Le "Président", justiciable pas ordinaire
DPPI
Certains des propos tenus par Laurent Blanc dans l'affaire des quotas ont choqué. Mais le sélectionneur, qui a présenté ses excuses, a trouvé de nombreux défenseurs. La ministre des Sports précise "n’avoir jamais demandé sa tête". Blanc est actuellementen Italie, où il pourrait être interrogé.
Depuis la suspension à titre conservatoire de François Blaquart, le Directeur technique national, la pression qui pèse sur les acteurs de "l’affaire des quotas" est très forte. Dix mois après Knysna, une nouvelle crise secoue la Fédération française de football. Confronté aux nombreuses révélations de Mediapart, son président Fernand Duchaussoy a passé son week-end à défendre la probité de l’institution. "On veut déstabiliser l’équipe de France, j’espère que certains ne veulent pas se payer Laurent Blanc", a-t-il précisé sur le plateau de Téléfoot, où le patron de la 3F a beaucoup pesé pour préserver l'aura de son sélectionneur. C'est que le dérapage verbal de Blanc sur les "grands blacks" a suscité une indignation. Au moins autant que son apparente approbation lorsque le sujet des quotas a été mis sur la table, le 8 novembre dernier, et qui a justifié hier une montée au créneau de Lilian Thuam : "Le vrai problème, c'est la volonté de discriminer des enfants de 12 ans. Et ce n'est pas possible."
"Quelque chose de grave". "Une situation claire et nette de discrimination". Le recordman des sélections (142), accessoirement ancien partenaire de Blanc en Bleu, a appuyé là où ça fait mal, lundi dans Mediapart, rappelant que"Laurent Blanc lui-même a dit que si vraiment il y avait des gens qui avaient tenu ces propos, il fallait les exclure de la Fédération". "Il faut dire stop, et peu importe les personnes concernées", ajoutait-il. Peu importe ? Le message devient plus trouble lorsqu'il s'agit de l'appliquer au "Président". Thuram n'a pas franchi ce dernier échelon. Personne, à ce jour, ne l'a fait.
Jouanno "n'a aucun pouvoir sur sa nomination"
Depuis dimanche, Laurent Blanc est en Italie. Le sélectionneur des Bleus avait besoin de changer d'air. De prendre du recul. A croire Fernand Duchaussoy, le Cévénol est "touché". En milieu de semaine, il devrait être auditionné par la commission d'enquête interne de la Fédération. "Si nécessaire", la mission d'inspection du ministère des Sports, censée remettre de l'ordre dans la maison bleue, "ira (même) en Italie l'entendre". En creux, on peut comprendre que Blanc n’est pas au-dessus des investigations en cours et des risques de sanction qui les accompagnent. Lundi, à Madrid, un journaliste a interrogé Karim Benzema sur l’hypothèse de sa démission, jusqu’ici latente mais jamais vraiment explicitée. Ce scénario remettrait en cause la reconstruction des Bleus. Il n'amuse pas tout le monde. La ministre de tutelle, d'ailleurs, a assez tôt dressé un périmètre de sécurité. Chantal Jouanno assure "qu'elle n'a jamais demandé la tête de Laurent Blanc, jamais de la vie", après avoir apporté sa caution sur les valeurs morales de l'individu. "Je n'ai aucun pouvoir sur sa nomination, ni sur ses choix", insiste-t-elle. "J’espère vraiment qu’il ne va pas démissionner, enchaîne Alou Diarra, capitaine de Bordeaux avant d'être celui des Bleus. Il est en train de faire un excellent travail avec l’équipe de France."
Dans cette affaire, Laurent Blanc est le seul à avoir présenté ses excuses pour avoir "heurté certaines sensibilités" et"utilisé des propos qui (peuvent) prêter à équivoque". Il a ainsi donné l’impression d’avoir identifié une erreur. Mais, a-t-il dénoncé, "être soupçonné de racisme ou de xénophobie, moi qui suis contre toute forme de discrimination, je ne le supporte pas." Sur ce point, le sélectionneur a tracé une direction que tous ses soutiens ont suivie avec diligence. Ceux qui l'ont côtoyé de près confirment. Alou Diarra "certifie que Laurent Blanc n'est pas quelqu'un de raciste". Lundi, Karim Benzema a dit sensiblement la même chose que les anciens coéquipiers du champion du monde 1998. "Je sais qui est ce garçon, je sais qui est ce compagnon de route, reprend sur RTL Bixente Lizarazu. Ce qu'il a réalisé pendant vingt-cinq ans comme entraineur, comme joueur, ne peut laisser penser aucunement qu'il soit raciste, ou qu'il ait une idéologie raciste." Même portrait dressé par Basile Boli. A l'image du Lillois Rudi Garcia, la famille des entraîneurs fait à son tour bloc derrière le sélectionneur national. "Laurent Blanc n'a rien à prouver", assène le coach du leader de la L1.
La thèse de la maladresse
Reste ce dérapage verbal. La thèse d'une communication hasardeuse et maladroite est avancée : Blanc aurait dépassé sa pensée et se serait un peu emporté en qualifiant de "mensonges" les révélations du site d'Edwy Plenel. "Dans notre milieu, quand on dit : "des grands blacks", il n'y a rien de péjoratif, insiste Patrick Battiston, directeur du centre de formation des Girondins dans Sud-Ouest. Ce qui peut choquer c'est de croire qu'il a voulu séparer grand et noir, et d'un autre côté l'intelligence de jeu. Mais ça n'a rien à voir. (...) C'est interprété, peut-être de façon malveillante." "Je pense que le fond du problème a été mal abordé, résume Bixente Lizarazu. Il aurait fallu avant toute chose parler de projet de jeu dans lequel pourraient s'inscrire des joueurs de petits gabarits, puisqu'il y a aujourd'hui une vraie discrimination des joueurs de petits gabarits. Cela ne signifie pas que lorsqu'on est grand on ne peut pas être technique, ça ne signifie pas que lorsqu'on est petit on est forcément technique. Le vrai sujet était celui là." Avec cette tempête, le "vrai sujet" a provisoirement dévié et concerne l'avenir de la FFF, de ses cadres et des Bleus. Et il est clair que François Blaquart, et d’autres, n’ont pas fait l’objet de la même reconnaissance quasi-unanime pour services rendus.
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