jeudi 5 mai 2011

La semaine où Mourinho a tout perdu

La semaine où Mourinho a tout perdu

C’est la question que tout le monde se pose : veut-on vraiment de lui en Angleterre ? Jose Mourinho n’a cessé de dire tout au long de la saison que son avenir se dessinait en Premier League, son habitat naturel selon lui. Pendant longtemps, Mourinho est apparu comme le successeur légitime de sir Alex Ferguson, le jour où le ‘boss’ écossais tirerait enfin sa révérence. Avec son égo surdimensionné, Mourinho ne ferait aucun complexe à l’idée de s’asseoir sur le banc mancunien. De nombreux autres techniciens préfèreraient attendre que quelqu’un se rate avant d’endosser le costume de manager des Red Devils. Mais après les évènements de cette semaine et de la précédente, qui serait prêt à sortir le tapis rouge pour le Portugais ? 

Pour ceux dont je suis qui gagnent leur vie en relatant la sitcom qu’est devenu le football au UK, il ne peut y avoir qu’une seule réponse : qu’il revienne ! Dans les années 70, les journalistes qui suivaient Manchester United se régalaient lorsque Tommy Docherty était aux commandes. Toutes les semaines, m’a-t-on raconté, ils se rendaient en conférence de presse et remplissaient leur carnet de notes avec des citations bien piquantes. Chaque semaine Docherty faisait la une de la section sports. Des réputations étaient construites à la suite de ses déclarations. Mourinho serait pareil. Pour ceux qui sont persuadés qu’un match débute en conférence de presse, il serait une source inégalable d’histoires en tous genres. Je suppose que s’il venait à Manchester, les journaux devraient dépêcher des correspondants ‘spécial Mourinho’, juste pour être sûr d’être à jour vis-à-vis des frasques et les histoires fantastiques du Portugais. Il s'amuseraient? 

"Jump the shark" : le syndrome Happy days 

Je ne suis pas certain, en revanche, que les supporters aimeraient l'avoir après les évènements récents en Espagne. À Hollywood, ils ont une expression pour ce qui vient de se passer : «jump the shark» (sauter au-dessus du requin). Elle apparut après un épisode de Happy Days dans lequel Fonzy avait littéralement sauté à ski nautique au-dessus d’un requin blanc, marquant le début du déclin de la série. Et cette semaine a incontestablement vu le début de la chute du ‘Special One’.  Ne vous méprenez pas : cet homme est un génie. Son sens tactique, son organisation, son management et sa science des médias n’ont pas d’égal dans le football d’aujourd’hui. Il n’a pas remporté deux Ligues des champions et quatre titres nationaux dans quatre pays différents par hasard. Sans pitié, méticuleux, charismatique : il a tout. Sauf, il semblerait à présent, le contrôle des évènements. 

Son cynisme avant, pendant et après la demi-finale aller de Ligue des champions contre Barcelone a dépassé les limites, même pour lui. Dans une ambiance déjà nocive, il a attisé la rancœur jusqu’à perdre tout contrôle. Ce clasico a donné des allures de match amical à l’Old Firm du week-end dernier. Bien sûr, les Barcelonais ne se sont pas facilités la tâche en multipliant les simulations. Avec chaque plongeon, ils ont démontré qu’ils n’étaient pas capables de rester de marbre face à cette provocation. Mais c’est bien l’entraîneur madrilène qui a mis l’huile sur le feu… C’était une tactique volontaire. Et, tout comme les consignes visant à tamponner Lionel Messi autant que possible, cette tactique fut indigne d’un homme dans sa position. En fait, tout ce qu’il a fait – de sa décision de refuser le jeu à domicile aux déclarations tendancieuses quant à un favoritisme des arbitres envers Barcelone – fut indigne d’un homme dans sa position. 

Ce qu'exige l'histoire du club
 

On parle du Real Madrid bon sang ! D’un club neuf fois champion d’Europe, et lui les fait se comporter en petits-joueurs arrivistes. Oui, il peut se justifier en disant que tout est permis quand on est en quête de victoire. Mais le problème est là : il ne gagne pas. Et c’est ce qui aura inquiété bon nombre d’amoureux du football : il a démontré qu’il n’avait aucune limite. Des clubs tels que Madrid ou Manchester United se définissent par les attentes qu'ils suscitent, celles du beau jeu et d’un football flamboyant. Certains de leurs supporters iraient même jusqu’à dire que l’attaque est l’objectif primaire, au-delà de la victoire. Après tout, Ferguson n’est pas allé à Gelsenkirchen, en demi aller, pour ne pas perdre. Il y est allé avec une équipe résolue à prendre le dessus en attaquant constamment. L’histoire du club l'exige. 

L’histoire du Real Madrid est également liée à des attentes qui n’incluent pas les comportements de cette dernière semaine : la surprotection des joueurs, l’agressivité t le manque de dignité dans la défaite. En gros, le terrible cynisme qui a pourri le clasico de l’intérieur. Mourinho doit en assumer la responsabilité. Sa méthode managériale a toujours fait de lui la figure de proue de son équipe. Il insiste sur le fait que son club ne communique qu’à travers une voix : la sienne. Il a semble-t-il prouvé qu’elle était loin d’être irréprochable et il y en a beaucoup, notamment quelques-uns du côté d’Old Trafford, qui en ont assez de l’entendre… 

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